S'il y a bien un choix de vie que je ne regrette pas, c'est bien celui-ci : nous être installés à la campagne.
Je mesure chaque jour combien ce choix est bénéfique aux enfants tout autant qu'à nous, parents.
Il y a bien sûr l'inconvénient principal: notre voiture est devenue un peu notre deuxième maison pendant la semaine...mais en y réfléchissant bien, pas tant que cela finalement.
A quoi donc s'occupent des enfants libres d'école et d'écrans à la campagne ?
Je suis fascinée de voir tout ce que mes enfants, libres d'école et d'écrans, sont capables de capturer à main nue:mouches, cousins, araignées, lézards, grillons, sauterelles, coccinelles et gendarmes, papillons, fourmis, limaces et escargots, et même musaraignes!
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, sait à force d'observer. Il sait faire la différence entre une chouette hulotte, une chouette effraie, un petit duc. Il sait reconnaître le vol du faucon crécerelle, du pigeon ramier, du canard col vert, du héron, de la poule d'eau. Il sait distinguer la vipère de la couleuvre, la grenouille du crapaud, le lièvre du lapin, le chevreuil de la biche. Il entend le cri de la buse, celui du faisan, le bruit du pic-vert, le chant de la pie. Il sait bien que les œufs de merle sont bleus-verts. Il sait que les digitales sont très belles mais qu'il ne faut surtout pas les cueillir. Il sait qu'il faut se laver les mains après avoir touché des feuilles de rhubarbe.
L'enfant de la campagne sait bien différencier le marronnier du châtaignier. Il connait de nombreuses essences. Il sait voir le geai des chênes, la grive et la poule faisane. Avez-vous déjà eu l'occasion de voir une buse chasser une vipère et s'envoler le serpent entre ses serres ? Nous, plusieurs fois.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, sait grimper aux arbres, construire des cabanes, faire du feu avec une loupe.
L'enfant de la campagne élève temporairement toute sorte d'insectes. Nous avons eu des élevages d'escargots, de gendarmes, de grillons, de coccinelles de quelques heures à quelques jours ou quelques semaines.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, fabrique des trucs et des bidules tout droit sortis de son imagination fertile avec ce qu'il trouve dehors.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, rêve et s'ennuie, regarde la forme des nuages, chasse les arcs en ciel.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, imagine. Il imagine un tas de chose:qu'il est homme préhistorique, archéologue, soldat, chevalier, princesse, éleveur, marin, indien, explorateur.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, marche pieds nus dehors par tous les temps, saute dans les flaques, rentre trempé et couvert de boue, s'excuse d'avoir souillé son pantalon "parce que maman, c'était trop bien le jeu et je n'ai pas eu le temps de rentrer jusqu'aux toilettes".
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, marche pieds nus dehors par tous les temps, saute dans les flaques, rentre trempé et couvert de boue, s'excuse d'avoir souillé son pantalon "parce que maman, c'était trop bien le jeu et je n'ai pas eu le temps de rentrer jusqu'aux toilettes".
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, fait flotter les petits bateaux de sa fabrication dans la mare, salue la rainette, effraie le crapaud, attrape les têtards ("mais on les a remis après, maman") observe libellules et demoiselles pendant des heures.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, taille des bouts de bois, se roule dans l'herbe, fabrique des lance-pierres.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, s'écorche les genoux, perce ses bottes, déchire ses fonds de culottes, se tord la cheville, s'emmêle les cheveux.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, vide ses bottes remplies d'eau, te rapporte des bouquets, tresse des couronnes de fleurs, te demande d'enlever la vilaine tique dans le pli du coude, l'épine dans le gros orteil.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, a toujours un truc à dessiner, dehors ou dedans.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, sait la différence entre un cerisier et un merisier. Il sait reconnaître les traces des animaux de la forêt. Il attend septembre pour aller au brame du cerf en pleine nuit avec papa.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, fait tout un tas de collections. Il collectionne les plumes (qu'il sait parfaitement distinguer d'ailleurs), les jolis cailloux, les fossiles, les feuilles, les glands, les marrons.
L'enfant de la campagne, libres d'école et d'écrans, joue au restaurant, à la dînette et à la marchande. Les cailloux sont des rôtis, les feuilles des salades. Il coupe, il écrase, il mixture, il touille, il enveloppe, il sushise, il sauce, il cuit..."on dirait que c'était des haricots et de la purée".
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, essaie d'imiter le cri des animaux.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écrans, a appris à être prudent avec la nature. Il sait qu'il ne faut jamais soulever une pierre avec les mains, ramasser un champignon qu'on ne connait pas, toucher certaines fleurs toxiques. Il sait qu'il faut marcher avec un bâton et des bottes dans les hautes herbes, qu'il faut vérifier la solidité d'une branche avant de grimper, sonder la profondeur de l'eau avant d'y entrer. Il sait qu'il faut prévenir avant de partir loin des yeux.
L'enfant de la campagne, libre d'école et d'écran, part avec "les autres" et tu n'entends plus rien ni personne pendant des heures...il ne te faut pas moins qu'une pibole pour rameuter tout ce petit monde à l'heure du repas "ah, c'était bien !"
Il faut beaucoup de temps, d'espace et de liberté d'action pour qu'un enfant soit heureux. Mais c'est bien tout ce qu'il lui faut. Nous n'avons pas de balançoire, pas de hamac, pas de jouets de jardin, pas de bac à sable, pas de trampoline, pas de piscine, pas de croquet, tout juste un ballon qui ne sert jamais, pas de vélos mais de bonnes chaussures et simplement la nature autour de nous.
En limitant l'écranà regarder un DVD de temps en temps, en remplaçant l'école par l'instruction en famille, en réduisant la quantité de jouets, en choisissant notre lieu de vie en pleine campagne, nous avons rendu aux enfants le temps et l'espace.
En ne sanctionnant pas les vêtements abîmés, déchirés, tâchés, les coiffures défaites, en ne réprimandant pas les enfants crottés jusqu'aux oreilles, trempés jusqu'aux os, en leur accordant toute notre confiance (et en comptant aussi un peu sur leur ange gardien), en partant du principe qu'ils sont les plus capables de dire s'ils ont froid ou chaud, s'ils ont besoin d'un pull, d'un manteau ou non, nous leur avons rendu la liberté d'action.
Non vraiment, je ne regrette pas d'habiter à la campagne.